Camille : naissance de son deuxième enfant

Tout commence un jeudi matin, je rentre à la maternité (clinique de niveau 1) pour un déclenchement car j'ai dépassé le terme (dpa +1) et la veille ma tension n'était pas folichonne. Ça ne m'enchante pas des masses car j'ai mal vécu mon premier accouchement voie basse: déclenché également avec une péri qui ne fonctionnait pas, 29h de travail, forceps, déchirure puis premiers jours très difficiles avec une montée de lait tardive et un allaitement qui n'a pas duré plus de trois semaines. Bref, je pensais avoir vécu un premier accouchement difficile, je ne savais pas que le deuxième serait un enfer. J'avais préparé un projet de naissance en béton, envisagé tous les scénarios. Une césarienne en urgence ne me fait pas particulièrement peur, par contre, avec la péri qui n'a pas marché la première fois, j'ai peur qu'en cas d'urgence ça soit l'AG et ne pas vivre la naissance mais l'anesthésiste se montre rassurant sur ce point.

Bref ce jeudi matin je suis confiante. On me déclenche et m'envoie dans ma chambre pour le début du travail mais je suis positif pour le streptocoque b donc en milieu d'après-midi je retourne en salle de travail, et on me pose la première perfusion d'antibiotique. Détail qui a son importance: dans mon dossier il est noté que pour la naissance de mon fils j'étais allergique à un certain antibiotique. Sauf que depuis j'ai fait des tests avec l'allergologue, je ne le suis plus j'en ai même pris plusieurs fois. Perfusion posée tout va bien. Après 30 minutes la sage-femme se rend compte qu'en fait elle ne coule pas. Elle débouche le cathéter et c'est parti à vitesse grand V . Je commence à sentir quelques démangeaisons, mon mari remarque des taches blanches qui apparaissent sur ma peau. Je gonfle, il sonne: elle fait une réaction ! Branle-bas de combat, 5 personnes se jettent sur moi, m'enlèvent de mon ballon pour m'allonger. Une infirmière répète inlassablement "le pouls est bon!". Perfusion d'adrénaline, on me bascule sur le côté et je sens que je romps les eaux. "Ne vous inquiétez pas on s'en occupe !" sera la dernière chose que j'entendrai avant le trou noir. Je me réveille 3h plus tard, on m'explique que j'ai eu une césarienne sous AG, que j'ai été transfusée et que j'ai deux artères qui nécessitent une embolisation. Donc on me transfère dans un hôpital disposant d'un service de coronarographie. Mon bébé ? C'est une fille, elle doit être transférée dans un 3ème établissement qui dispose d'un service de néonatalogie. Je ne la verrai pas. Par contre mon mari parvient à me voir quelques instants avant mon départ, il me donne mon téléphone avec dedans des photos de ma puce et mes lunettes de vue.

Je suis transférée, réopérée dans la soirée et quand je commence à retrouver mes esprits il est minuit, je suis en réa. J'attrape mon téléphone. Je suis seule dans cet hôpital j'ai un besoin compulsif de communication avec l'extérieur. C'est mon mari qui me parle en premier d'un choc anaphylactique. Le lendemain les médecins parleront plutôt d'embolie amniotique sans trop savoir quelle hypothèse est la bonne. Après 24h en réa je rejoins l'hôpital où est ma fille mais elle n'est pas dans le même service et je ne peux pas me lever. A 3h du matin on m'amène auprès d'elle dans mon lit quelques minutes. Le lendemain, je commence tant bien que mal à tirer mon lait, le soir on me ramène ma fille. Je ne veux pas la prendre, j'ai mal je suis fatiguée et je n’ai pas la sensation d'avoir accouché. Mon mari me la met de force dans le grand lit, après 2h à dormir contre moi ça y est, je pleure mais c'est bien mon bébé. Je commence à la mettre au sein dans la nuit, le dimanche matin j'arrive à me lever et prendre une douche, on est sorties d'affaires. J'ai du stopper l'allaitement sans regret quelques jours après mais on va bien c'est l'essentiel. Je n'avais pas l'énergie pour me battre contre les crevasses.

Ce qui s'est réellement passé: au moment du malaise, le pouls du bébé a chuté et au moment du transfert au bloc, j’ai fait un arrêt cardiorespiratoire. Mon cœur est reparti grâce à l'adrénaline injectée pour soigner l'allergie. Césarienne d'urgence vitale sous AG, 12 minutes pour sortir bébé record battu ! Bébé n'allait pas bien, apgar 0 à la naissance, bradycardie, hypothermie, détresse respiratoire. Elle sera ventilée 10 minutes mais ne respirera normalement qu'au bout de 30. Moi c'était la boucherie: je me vidais de mon sang, 2 artères utérines explosées, une hémorragie qu'ils n'arrivaient pas à stopper avec beaucoup de caillots en prime. Une partie repartie par le cordon avant qu'il ne soit coupé ce qui laissait craindre des hématomes et autres dégâts internes chez bébé. C'est là qu'ils ont pensé à l'embolie amniotique. Ça veut dire que le liquide amniotique et tout ce qu'il contient (cheveux, squames,...) est passé dans ma circulation sanguine en causant beaucoup de dégâts au passage. C'est très rare (1/15000) mais très grave. On est en vie et sans séquelles. Bravo. Tout le long le papa bien qu'à l'écart à été informé de l'avancement, il n'est jamais resté seul plus de 2 minutes. Après nos départs respectifs il a récupéré mes affaires et rejoint la petite. Elle hurlait sans arrêt et sursautait dès qu'on la touche. Mais la voix de son papa a commencé à l'apaiser. Elle aura des spasmes très douloureux pendant 48h, jusqu'à ce qu'on soit réunies. L'explication donnée est le stress et l'adrénaline injectée avant la césarienne.

Depuis les diverses analyses ont montré que j'avais bel et bien fait un choc anaphylactique puis une embolie amniotique probablement entraîné par le choc anaphylactique. Quelques questions resteront sans réponse mais l'essentiel à mes yeux est que nous soyons saines et sauves.