Chiara : naissance de sa fille

J’ai eu une magnifique grossesse. Je portais fièrement mon gros ventre, tous les contrôles se passaient bien. J’ai beaucoup lu, notamment sur les césariennes de confort et ai commencé à me construire une image très stigmatisante de celle-ci et des femmes qui y avaient recours. J’ai fait du yoga et de l’haptonomie. L’accouchement me faisait peur, certes, je savais que ça allait être douloureux, mais c’était un passage obligé pour rencontrer mon enfant. J’avais envie d’essayer sans péridurale, mais je me disais ouverte à tout cas de figure. Je voulais allaiter, mais me disait prête à ne pas m’acharner si cela allait s’avérer difficile. Je pensais être prête à tout, mais j’ai découvert que je ne l’étais pas.

C’était l’été, la canicule. A 8 jours du terme, à 22h du soir, j’avais 39,4 de fièvre et depuis un moment je ne sentais plus bébé bouger. La maternité m’a demandé de monter pour un contrôle. Lorsque nous avons senti son cœur, nous nous sommes de suite rassurés. Toutes les complications majeures ont été écartées. Col totalement fermé, pas de perte des eaux, pas d’infections. Mais quelque chose n’allait quand-même pas. Cela fait drôle d’être en salle d’accouchement, mais n’avoir aucune contraction. Ils ont dit vouloir me garder pour la nuit et ont renvoyé mon compagnon à la maison. Ils disaient qu’ils m’amèneraient bientôt à ma chambre, mais ne le faisaient pas.

Finalement, à 5h, le gynécologue est revenu. Le monitoring n’était pas normal, on ne savait pas si mon bébé était en souffrance ou pas. Il m’a demandé mon opinion, m’a parlé des différentes options, a évoqué la césarienne. Je ne savais pas quoi dire. Je ne la souhaitais pas, mais comment savoir, surtout avec les risques qu’on évoquait ? Finalement, il a décidé pour une césarienne en urgence. Et là, tout s’est enchaîné. J’ai appelé mon compagnon, n’ai pas réussi à le joindre. Je me suis alors retrouvée complètement seule, à devoir trouver une solution rapide à ce problème. J’ai eu une montée d’adrénaline. Mon cerveau s’est mis à tourner à 100 à l’heure, j’ai tout essayé, jusqu’à trouver l’idée d’envoyer un taxi à mon domicile. Je pense avoir tremblé, mais je n’ai pas eu le temps pour ressentir de la peur. On m’a rasée, debout, pendant qu’une sage-femme me mettait un chemisier. J’étais prête à rentrer dans l’ascenseur quand mon compagnon m’a rappelée. Il arrivait.

Des visages ont défilé, on m’a rassurée, on m’a tenu la main pendant qu’on me passait la péridurale. Le gynéco avait le bistouri à la main quand mon compagnon est arrivé. En quelques secondes, elle était là. Le liquide méconial était teinté, mais ma fille allait bien. Assez rapidement, on me l’a glissée à côté de ma joue. Quelle sensation, avoir les bras bloqués et ne pas pouvoir caresser sa fille. Je n’ai pas parlé avec mon bébé avant qu’ils la sortent, le papa n’a pas fait de peau à peau, personne ne le lui a proposé, on était trop sonnés pour y penser.

Cela m’a pris des jours pour « atterrir », comprendre ce qui s’était passé. J’étais comme anesthésiée. Ma fille était là, je l’aimais, mais je ne ressentais pas un vrai attachement. La première fois qu’on m’a mise debout, je me suis presque évanouie de douleur. Les jours suivants, je me suis sentie très coupable. Je ne me levais pas, avais bien de la peine à sortir ma fille de son berceau. Je suis restée trois jours dans la chambre. Je ne la changeais pas. Je voyais ces mamans qui marchaient tranquillement dans les couloirs et me demandais pourquoi j’étais la seule qui semblait avoir aussi mal. Le personnel a été peu soutenant dans ce sens. Puis, on a compris que je n’avais pas de lait, et un vrai combat a commencé : je tenais absolument à allaiter. Pendant des semaines, j’ai lutté entre tire-lait, biberon et longues heures d’allaitement. Ma fille perdait du poids. Je m’endormais presque sur elle. Sans mon compagnon, ma maman et la sage-femme je n’aurais pas résisté.

Aujourd’hui, ma fille est en parfaite santé, très souriante. C’est une enfant facile, actuellement je ne remarque aucune difficulté d’attachement que l’on décrit suite à une césarienne. Nous sommes une famille heureuse, je l’aime plus que tout et je suis fière d’elle. Je l’ai finalement allaitée jusqu’à ses 10 mois. Je suis très reconnaissante, mais je suis encore en train d’élaborer ce qui s’est passé. J’ai de la peine à dire que je suis une maman, comme si je ne le méritais pas. Chaque fois qu’une copine accouche, je suis jalouse. Je ne sais toujours pas ce que signifie avoir une contraction. Je souhaiterais vraiment avoir un deuxième enfant et accoucher par voie basse. J’espère que cela ne deviendra pas une obsession. J’ai raconté mille fois la naissance de ma fille, mais j’ai encore besoin de le faire. Je pose plein de questions à mon compagnon, je revis ces instants. Je veux me souvenir de tous les détails et je n’y arrive pas. J’ai envie de dire à toutes les futures mamans de vraiment envisager tous les possibles, même si leur grossesse se passe bien. Je pensais que la césarienne, ce ne serait pas pour moi, et j’ai eu tort.