Claire : naissance de Candice

Lundi 11. J'ai rendez-vous avec la sage-femme de la maternité. Bébé est estimé à 3.200 kg, et est toujours placé bien haut. Mon col est perméable à 2 doigts à l'extérieur et à 1 doigt à l'intérieur. La SF me dit qu'elle va le masser un peu, pour voir à quel point il est mou. Geste rapide et pas très agréable. On prend rendez-vous pour le 26 (mon terme étant au 2 8) , mais elle est sûre que d'ici là j'aurai accouché.

Lundi 11 au soir. J'ai pas mal de contractions, assez régulières mais supportables. La nuit est en pointillés, et je suis carrément debout dès 4.30 du matin car ça s'intensifie.

Mardi 12. Ca se calme un peu, même si j'ai des contractions dès que je bouge. La nuit suivante est terrible : contractions assez douloureuses toutes les 10 minutes, mais je ne suis sûre de rien car je suis en panne de Spasfon, je ne peux donc pas en prendre. Je prends un bain mais rien ne change. Comme ça ne se rapproche pas, je ne m'inquiète pas.

Etrangement, je suis assez sereine, je me replonge dans le livre de Martine Texier ("La naissance, une chemin initiatique", d'où Geneviève avait tiré des exercices de relaxation), mais la tête n'y est pas. Je ne me pose pas de questions, ce qui se passe en moi semble encore irréel.

Mercredi 13. Vers 8 heures, les contractions s'arrêtent. Je vais acheter du Spasfon, au cas où. La journée se passe calmement, ainsi que la nuit.

Jeudi 14. Je suis un peu naze de mes 2 nuits blanches, mais ça va bien. Je chatte un peu avec Gaëlle, puis je vais faire quelques courses. Je me sens bien.

La nuit commence bien : je dors comme un bébé, malgré quelques contractions de temps à autre, mais rien de plus que d'habitude. A un moment, une forte contraction me réveille, suivie de près par un mouvement assez brusque du bébé. Il s'est étendu est appuie très fort sur le col, et n'en bouge plus. Là je me dis "là, s'il reste comme ça, ça va carrément pas le faire". Je serre les dents et j'attends. Pas longtemps. Bébé redonne un coup de tête, et j'entends nettement un "ploc", puis je sens une onde chaude dans mon vagin. Je mets la main qui en ressort mouillée. Je vais aux toilettes pour voir si c'est du sang, de l'urine, ou des eaux. En même temps je me dis "mince, c'est les eaux, je vais avoir droit à la sonde utérine". En effet c'est les eaux. Je sais que le moment est venu, je suis déjà heureuse d'une chose : bébé a choisi SON moment, et ça c'est important pour moi, après le déclenchement de l'aînée. Il est 2 h 30

Je réveille mon mari, en lui disant quand même de pas s'exciter, on a le temps. Il se lève, fait un saut au boulot pour chercher les numéros de ses supérieurs de garde à prévenir, fait le plein de la voiture. Pendant ce temps je me traîne dans la maison, je finis mon sac, celui de Clémence ; j'ai des contractions toutes les 3 minutes environ, et j'ai l'impression de me faire pipi dessus en permanence. J'appelle Gaëlle. On va partir assez vite, tant que les contractions sont supportables.

En faisant tout ça, je ne pense pas trop à la suite des choses. Une chance (parfois ça me joue des tours, mais dans cette situation, ça m'a plutôt aidée), je ne cogite pas trop sur ce qui se passe, je prends les choses comme elles viennent, sans trop anticiper. A aucun moment je ne pense à une éventuelle césa, ni aux difficultés que me prédit le gynobs quant au passage du bébé dans mon "petit" bassin.

3 h 30. On prend la route. On a 80 Km devant nous pour arriver chez Gaëlle. Clémence est tout à fait réveillée, et parle tout le long. J'essaie de ne pas trop lui montrer que j'ai mal, mais elle sait que bébé fait toc-toc et qu'il va bientôt arriver.

Je parle peu sur la route, mon mari aussi. A chaque contraction je tire comme une malade sur la poignée du plafond. J'essaie d'accepter chaque contraction comme nécessaire, je lui dis "oui", j'essaie de lâcher prise et de ne pas lutter contre la douleur, mais plutôt de l'accompagner. Je n'y
arrive pas à chaque fois, mais bon, je suis novice !! On va faire une pause "vomi" sur la route, et ensuite, à chaque forte contraction, j'aurai des nausées.

Enfin on arrive chez Gaëlle, on couche Clémence, et on commence à papoter. Mais bientôt les contractions s'intensifient. Je me trouve bien à 4 pattes, enfin, à genoux avec le buste appuyé sur le canapé, puis sur la ballon, que je ne lâcherai que pour partir à la maternité. Ah ce ballon !!! Je l'aurai mordu, griffé, enfoncé !!!

L'heure qui suit n'est qu'une longue suite de contractions, durant lesquelles Gaëlle me masse le bas du dos, vu que mon homme ne prend pas le relais. Mais la douleur augmente à chaque fois, et à plusieurs reprises je manque de perdre pied. Une vague d'angoisse m'envahit, je me dis que je ne vais pas tenir, j'ai peur de perdre la tête, même si je sais que la douleur redescend forcément. Pendant ces angoisses, Gaëlle parviendra à m'empêcher de partir, en me soufflant de respirer, d'accepter la douleur. J'ai l'impression qu'elle a mal avec moi, elle respire avec moi, me force à aller au bout de mes poumons. C'est incroyable comme la respiration peut rendre la douleur supportable !! Et puis, tant qu'on se concentre sur la respiration, on pense moins à la douleur.

Je suis un peu hors de mon corps, j'ai comme l'impression de me voir de l'extérieur, tout en étant profondément à l'intérieur de moi. C'est très étrange comme sensation. Mes souvenirs auditifs sont assez clairs, plus que les visuels : j'entends nettement la voix de Gaëlle qui me guide, je l'entends s'adresser à mon mari et l'encourager à prendre part à ce qui se passe, j'entends Clémence qui s'inquiète au premier étage. Par contre, aucune envie de mettre de la musique, je veux seulement entendre la voix de ma fée. Ce son est la lumière au bout de la contraction, le bout de ce tunnel de douleur. A plusieurs reprises, lors des contractions particulièrement fortes, toutes mes bonnes résolutions s'envolent : je veux partir et demander la péridurale, je ne tiendrai jamais !! D'ailleurs je me rappelle avoir dit "je n'en peux plus", je n'en peux plus de cette douleur. Mais à chaque fin de contraction, cette douleur s'évanouit comme par miracle et je l'oublie. Pas pour longtemps cependant.

Gaëlle me demande à plusieurs reprises si je sens mon bébé descendre, mais non, rien, je suis complètement coupée de lui. C'est d'ailleurs un peu ce que je regrette avec le recul, j'ai été complètement dans ma douleur, ou plutôt dans la gestion de la douleur, et pas avec mon bébé. Il a fait sa route tout seul.

Et puis tout d'un coup, bébé est là. Ca pousse !! La douleur devient soudain supportable, mais est accompagnée à chaque fois de cette envie irrépressible de pousser. D'ailleurs le fait d'obéir à cette envie est presque agréable, le corps doit savoir que ça soulage.

Là je sens qu'il est temps de partir. Il doit être 5 h 30 environ. Le temps de nous regrouper (mon mari essaie de calmer Clémence, je vais aux toilettes d'où j'aurai du mal à me sortir, mon esprit confond poussée du bébé et envie d'aller à la selle) et il est 5 h 50. On part. Pour faire les 20 km qui nous séparent de la maternité, je choisis de me mettre à 4 pattes sur la banquette arrière et à chaque contraction, je m'agrippe de toutes mes forces à la grille de séparation entre la banquette et le coffre (au passage, très efficace la grille du chien !!). Mon mari roule vite, inquiet de me sentir (entendre ?) pousser si souvent. En chemin je dois tout de même lui indiquer la route une ou deux fois, je ne suis donc pas si à l'ouest que ça !! A un moment, la curiosité me prend et je passe ma main dans ma culotte. Je sens la tête qui approche du bord.

6 h 10. Arrivée sur le parking des urgences (c'est l'entrée de nuit). Le gars de l'accueil prévient le bloc obstétrical en me voyant arriver à travers les vitres. Les filles du service préparent le monito dans une chambre. Elles ne me verront jamais. On me charge sur un brancard pour monter jusqu'au bloc (sinon je crois que bébé serait né dans le couloir). La sage-femme veut me faire passer par la salle d'examen pour me faire un toucher vaginal. Elle n'en aura pas le loisir. A peine en salle d'accouchement, j'enlève mon pantalon et elle voit la tête !! Lorsqu'elle me dit de pousser, je pose cette question complètement con : "il est là ?" Même après toutes ces contractions, l'envie de pousser depuis maintenant trois quart d'heure, la tête que j'ai sentie moi-même, je reste incrédule : je suis sur le point de mettre mon enfant au monde, sans assistance technique, sans césarienne, sans pression médicale! Même dans mes rêves les plus fous je n'ai jamais osé espérer ça!

En 3 poussées mon bébé est sur mon t-shirt (pas le temps de l'enlever ). L'expulsion a été un moment magique. Le passage de la tête, puis la "glissade" du corps à l'extérieur est une sensation vraiment étrange !

Une fois bébé essuyé (sur moi), aspiré, malheureusement (la sage-femme trouvait que le liquide était un peu teinté, mais je la soupçonne fortement d'avoir été frustrée de n'avoir rien eu à faire, mais bon, tant pis), bébé est en peau à peau et mon mari et moi, on fait connaissance avec notre fille. Enfin on peut se rencontrer en même temps, chose qui nous a beaucoup manquée pour la première !!

La tension retombée, la sage-femme pose les étriers (!) pour recoudre ma micro déchirure, et on discute un peu. Elle me demande pourquoi j'ai eu une césa la première fois (elle m'avait demandé en combien de temps j'avais accouché pour la première, et à ma réponse simple, "césa", j'ai surpris un éclair de stress dans le regard qu'elle a échangé avec la puer'). Lorsque je lui réponds "bassin rétréci", elle manque tomber, et je me félicite intérieurement d'avoir tenu jusqu'au dernier moment, consciente qu'elle m'aurait fait stresser si j'avais fait du travail là-bas.

La puéricultrice, qui vient de demander mon nom et à enfin ouvert mon dossier, revient toute malade de voir que le gynobs avait écrit "pronostic réservé" à ma tentative de travail. A ce moment elles se souviennent des filles qui m'attendent dans ma chambre pour me faire le monito. Elles sont pliées, après coup.

Puis elles baissent la lumière, mettent un fond de musique et nous laissent, tous seuls tous les 3 pendant une bonne heure. Nous savourons notre bonheur.

Quelle chance j'ai eue d'avoir un travail rapide et surtout de pouvoir compter sur ma fée Gaëlle pour m'aider à tenir jusqu'au bout !!! Je n'ai eu "droit" à rien de ce que je redoutais : monito, TV à répétition, perfusion, rasage du périnée, épisio, et encore moins sonde utérine, ce fameux "engin" qui nous a fait, Gaëlle et moi, poser tant de questions au gynobs lors de la 3ème écho !!!

Aujourd'hui, nous avons une magnifique petite fille (aussi magnifique que la première bien sûr.), venue au monde naturellement, par un endroit à travers lequel, selon ma première gynobs, aucun enfant ne pourrait jamais passer. Grâce à Gaëlle, grâce aux Césarine, j'ai cherché plus loin que le bout de mon nez, j'ai retrouvé confiance en moi et en ma capacité de mettre mon enfant au monde, et même si ça doit être le dernier, eh bien je sais maintenant que je sais accoucher !!!

Pour mon AVAC, j'ai connu tout ce que j'avais espéré dès mon premier enfant : une naissance naturelle, dans la confiance et la joie.