Edwina : naissance d'Arthur

Je ne sais pas trop comment commencer ce récit parce que j'ai seulement envie d'écrire "j'ai accouché" ou "Arthur est né, je suis une maman comblée".

Ca me semble tellement simple, j'ai fait ce que je devais faire depuis si longtemps... Ca y est je ne suis plus une maman bancale, tout est rétabli, tout est en ordre et en équilibre.

Arthur est né.

Et tout à coup je peux mieux respirer.

J'avais un peu peur du baby blues, de la sensation de ventre vide, surtout que la grossesse s'était si bien passé, mais non, rien, je me sens légère, mon ventre est vide et bien vide, enfin, et j'ai deux enfants magnifiques qui en sont sortis. Je suis fière de mon corps, je me sens bien.

Lundi 1er août j'avais une visite à la maternité. Le gynéco m'annonce un bébé entre 3kg6 et 3kg8, il est toujours d'accord pour la voie basse (c'est un AVAC, j'ai un utérus cicatriciel) mais avec des conditions strictes. Je dois avoir le monitoring en continu et tout doit aller vite et bien sinon on passera a la césarienne, surtout vu le gabarit du bébé. On en avait déjà discuté avant avec mon homme. Finalement ce que nous propose la maternité c'est un accouchement pseudo naturel si tout va bien et que tous les paramètres sont à 100% mais si jamais un seul des facteurs est à 99% (ma motivation par exemple, ou ma confiance) alors tout tourne au drame. La sage femme libérale qui me suivait (et qui est partie en vacances le matin même) nous a bien dit de penser surtout au cas où tout est à 100% mais dans cette situation-là pourquoi aller à la maternité ? Notre décision est prise et nous sommes sereins. Nous pensons accoucher tout seuls.

Nous mangeons au restaurant à midi, ce n'était pas prévu, et apparemment c'est ainsi que commencent beaucoup de récits...

L'après midi mon homme nous traîne en voiture visiter un village, mon grand est énervé, moi de même, j'ai des tas de contractions et je trouve ce village nullos, je veux rentrer. Tout le monde se fâche, mes hommes se disputent. Du coup le soir j'envoie le papa faire des photos dehors du soleil couchant et je reste avec mon fils qui prend une grosse tétée avant de s'endormir.

Les contractions se rapprochent. Je commence à les compter vers 23h, elles sont toutes les 5 minutes et très douloureuses. J'appelle mon homme qui n'aura pas beaucoup dormi, vers 23h30, je ne gère plus seule. Je prends des douches, je marche, mais c'est trop douloureux, j'ai des contractions dans les reins (bébé en postérieur). Du coup mon homme commence à me masser le dos et il va le faire pendant plus de 10 heures il en aura les mains en sang !

Vers 4 heures du matin je sens mon col ouvert à 3-4 cm et une grosse boule à l'intérieur : c'est la poche des eaux. Ce n'est pas un de ces nombreux faux travaux qui ont occupé mes nuits du mois de juillet, cette fois-ci Arthur va naître.

Arthur va naître... Toute la soirée j'ai cru sentir une présence, voir une silhouette derrière moi... C'est lui, il arrive. Et je le veux, mon bébé Arthur, pas question qu'il lui arrive quoi que ce soit. A un moment, mon homme n'entend plus le coeur, on doit attendre la contraction suivante. Je veux le monitoring, je veux aller à la maternité, même si je dois avoir une césarienne, je veux mon bébé vivant.

A 4 heures les contractions s'arrêtent, comme par hasard. J'explique à mon homme que c'est sûrement un obstacle psychologique à surmonter. Je grignote, je dors 10 minutes, puis je lui parle de ma nouvelle décision. Il a un peu peur mais accepte de faire comme je le sens. Il me demande juste d'attendre d'être sure de ma décision. Il est 5 heures et les contractions reprennent, encore plus intenses.

Mon homme va chercher K., c'est la voisine avec qui nous avions sympathisé. Elle est allemande et a deux enfants de 4 et 2 ans. Elle va garder mon grand pendant notre absence. K. est excitée comme une puce, elle me transmet un peu de sa bonne humeur.

Nous arrivons à la mater à 7heures. "Bonjour je crois que je viens accoucher" grand sourire des veilleuses qui m'accueillent.

Je suis installée dans la salle de naissance qui me semble beaucoup plus chaleureuse et intime que les dernières fois où je l'ai vue, c'est peut-être la lumière du matin ? On me met le monitoring, tout va bien, mon homme continue de me masser le dos à chaque contraction et je marche dans la pièce.

Premier verdict je suis dilatée à 4-5cm et la poche des eaux fait une grosse boule.

Une heure plus tard, il est presque 9h, je suis dilatée à 8cm, ça va très vite, on me dit que j'aurai peut-être accouché dans une demi heure - une heure et de toutes façons avant midi. Je réponds "oh la la attendez, je peux encore rester bloquée des heures".... eh oui....

Et je reste bloquée pendant des heures. Il y a un bourrelet de col qui ne veut pas se dilater. Est ce que ça vient de l'opération au laser que j'ai eu sur le col ? Ou bien est ce que j'en suis au stade où on m'a empêchée d'accoucher pour mon premier ?

Les contractions, toujours dans les reins, ne sont plus efficaces et butent sur mon col. J'ai mal. Je ne tiens plus sur mes jambes. Au début je traversais la pièce de long en large, et là je piétine sur place. Je suis debout juste pour dire que je suis debout. La sage-femme me propose de m'allonger et de prendre une perf de glucose. On refuse, on refuse tout, on a peur. Finalement on accepte la rupture de la poche des eaux. Peut-être que la tête en appuyant directement sur le col sera plus efficace que la poche ? Très peu de liquide coule, je me sens pourtant un peu moins prête à exploser. Les contractions me semblent plus intenses et plus proches mais il ne se passe toujours rien. J'accepte finalement à contre coeur la perf et la position couchée, je suis nase.

Et c'est à peu près à ce moment là que le gynécologue entre en scène... Le courant passait bien avec la sage-femme. D'ailleurs dans les jours qui ont suivi j'ai beaucoup parlé avec elle, et nous avions des visions de l'accouchement très proches. J'avais beau être bloquée à 8 cm de dilatation depuis un bon moment, avec elle, je n'ai pas du tout senti que ça posait problème et j'étais encore plutôt sereine. Mais le gynéco, lui, était hyper stressé, et a fait entrer plein de tension dans la pièce. Ca n'allait pas assez vite à son goût, j'étais un cas "à risque", il avait son protocole, il était responsable, il paniquait.

Il a commencé à me faire je ne sais pas trop quoi avec mon col, j'ai hurlé comme un cochon qu'on égorge. Ensuite j'ai dit que je n'appréciais pas du tout la façon dont les choses tournaient. Alors il nous a un peu mieux expliqué. Il fallait virer ce bourrelet de col donc il fallait que je pousse, même si c'était trop tôt. Si ça ne marchait pas il voulait utiliser les forceps. Les forceps, pas question ! On ne voulait pas que notre bébé soit abîmé. Le gynéco nous sort son baratin de "je suis responsable, protocole, blablabla, ou sinon je vous fais signer un papier..." "on signe !" Avec mon homme on a répondu d'une seule voix : on signe, on signe tout. Tant qu'Arthur va bien, on continue.

A partir de maintenant, mon récit ne va plus être très véridique au niveau de la chronologie parce que j'ai un peu perdu pied.

Je commence à pousser pour essayer d'ouvrir ce col. Mais je ne sais pas pousser je donne des petits coups au lieu d'aller jusqu'au bout de mon effort.

La sage-femme veut me mettre sur le coté, même si le gynéco n'est pas bien d'accord. Dans cette position je sens le bébé descendre dès la première contraction. On me fait encore pousser mais je ne sais toujours pas faire. Arthur avance pour reculer d'autant juste après. Le gynéco nous fait une fixette sur ces forceps de malheur il veut que je sois en position. Je me retrouve donc sur le dos les pieds dans les étriers. Il continue de faire je ne sais pas trop quoi, j'ai mal, ouille ouille ouille. Et je n'arrive pas à pousser, merde alors. A un moment j'ai dit "il me fait peur ce docteur je veux qu'il sorte et je ne veux que la sage femme". Et mon cerveau s'est mis en stand by. Il a continué de fonctionner, de traiter les informations auditives, mais j'avais fermé les yeux, et je ne répondais plus.

Le gynéco a expliqué que je devais pousser pour caler la tête du bébé en lui faisant passer la symphyse pubienne et qu'à ce moment, elle ne pourrait plus reculer. Il rajoute ensuite (suite à mon manque de réaction) qu'il emploie des termes techniques, pardon, nous ne pouvons pas comprendre. Au fond de ma tête mon cerveau répond si si j'ai bien compris mais mon corps ne réagit pas. La sage femme dit "elle est dans sa bulle". Non non je suis dans mon abri antinucléaire. Mon homme me demande des trucs débiles comme si je veux du brumisateur... Pfff bien sûr je pète de chaud je veux bien du brumisateur mais je ne peux pas répondre ! Heureusement le gynéco prend les choses en main et donne les instructions à mon homme de temps en temps...

Ils sont tous là autour de moi à me parler chinois tous en même temps. Mon cerveau au fond de ma tête comprend et retient tout très bien, c'est pour ça que je peux vous raconter, mais sur le moment il n'était pas connecté. Le gynéco prend la parole "Parlons lui un à la fois" et il m'explique lentement comment je dois pousser. Ahhhh ben voila fallait le dire, je dois pousser longtemps. On fait des essais et je m'en sors bien mieux. A chaque contraction on me fait respirer de l'oxygène "pour le bébé" (et hum c'est frais).

Le gynéco est toujours aussi stressé, ça me motive pour essayer de m'appliquer parce que je veux lui prouver que je vais le faire. Mon slogan habituel c'est "je ne vais pas y arriver" pour toutes les petites choses de la vie mais là je crie "je vais m'appliquer je vais y arriver". Dans mon récit, et sur le moment pendant l'accouchement, j'avais un peu la rage contre lui, mais franchement aujourd'hui je me demande si j'aurais pu accoucher s'il n'avait pas été là. Pour ma première grossesse, un gynéco a décidé arbitrairement que je n'accoucherais pas. Cette fois ci j'avais besoin de prendre ma revanche et qu'un gynéco me laisse accoucher, qu'il me fasse confiance. Sur le carnet de santé de mon deuxième il est écrit "accouchement pratiqué par X, sage femme" et à la ligne en dessous "docteur X, gynécologue, présent". Et vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point je jubile en lisant ça. Je n'ai pas eu de césa, pas parce que j'ai accouché au fin fond de la foret, non, non, le gynéco était là et il a dit "madame, vous pouvez très bien accoucher". Ahhhhhhhhhh ! Qu'est ce que je suis contente ! Bon, je reviens au récit.

Je sors un moment de mon abri antinucléaire car le gynéco et la sage femme veulent nous proposer d'injecter un peu d'ocytocine. Ca fait déjà un moment qu'ils nous demandent mais on s'y opposait. Ca montre bien comme nos décisions ont été respectées car il aurait sûrement été judicieux d'utiliser l'ocyto un peu plus tôt. Cette fois-ci on accepte. Arthur le supporte bien et ça me donne des contractions hyper fortes mais peu douloureuses puisque je suis occupée à pousser.

Et là il m'arrive un truc de fou. Tout mon corps se crispe, depuis la tête, j'ai l'impression d'être un serpent en train de muer. Tout mon corps se sépare du bébé. Ca pousse, ça pousse, si ce n'était que volontaire j'aurais arrêté depuis longtemps mais ça continue tout seul, et mon corps trouve des réserves je ne sais où pour pousser et pousser encore. Et la tête se fixe, ça y est on la voit. La contraction suivante arrive très vite, le gynéco dit de la laisser s'installer et hop ça pousse ça pousse je ne pourrais rien faire contre.

Le gynécologue laisse la place à la sage femme qui va accueillir le bébé. Mon homme sautille comme une puce et essaye de me faire comprendre que ça y est il sort (ah ben voui j'avais pas remarqué!).

Une contraction, la tête commence à sortir, "ça brûle" (je savais que ça le ferait mais je n'ai pas pu m'empêcher de le crier)! Deuxième contraction, ça y est la tête est sortie, mon homme est tout fou d'excitation il pleure comme une madeleine en me soutenant la tête. La troisième contraction arrive tout de suite, je pousse, je crie et hop je sens quelque chose de très chaud, la sage femme se prend une douche avec le liquide amniotique et elle me dit de prendre mon bébé. Je répète "oh c'est merveilleux" et Arthur est là, tout chaud et mouillé sur mon ventre. C'est banal mais je dois avouer que c'est vraiment vraiment le plus beau moment de ma vie. Je l'ai senti passer, sortir, c'était tellement merveilleux, je suis tellement heureuse.

Arthur grogne un peu en commençant à respirer sur mon ventre, mais il ne pleure pas. Je n'ai entendu sa voix que plusieurs heures plus tard. Il a eu une naissance toute douce, il est tout rose et calme, à aucun moment le monitoring n'a donné de signe de faiblesse.

Nous sommes tellement heureux. Mon homme me dit que jamais dans sa vie il n'a vu quelque chose de plus beau qu'un bébé qui apparaît.

Le placenta est sorti dans la foulée, avec l'ocyto, le gynéco qui m'appuyait (doucement) sur le ventre, ça ne pouvait pas traîner ! Ce n'était pas une délivrance bien naturelle mais au moins le spectre de la révision utérine ne nous a pas hantés longtemps... Mon placenta ressemblait à une petite tarte tatin un peu trop caramélisée.

Faut quand même que je vous raconte mes grosses blessures de guerre, la tête (PC de 36 cm) est passée sans rien abîmer. Pour les épaules j'ai un peu déchiré, 5 points (2 dedans, 3 dehors) au niveau de la fourchette. Ca ne m'a jamais fait mal et j'ai cicatrisé complètement au bout de 6 jours.

Juste après la naissance, l'anesthésiste est entré nous féliciter, mon homme a pensé que les nouvelles circulaient drôlement vite dans cet hôpital, mais j'ai appris par la suite qu'anesthésiste et infirmières du bloc attendaient derrière la porte au cas où et qu'on ne nous avait rien dit pour ne pas nous stresser.

Voila, tout est bien. Tout est mieux. Tout est revenu à l'équilibre. Arthur prend bien le sein, il tète, il dort, il a des phases d'éveil, il sourit, il est très calme.

J'ai du dire 50 000 fois merci à toute l'équipe de la mater tellement j'étais contente. Je n'ai aucun ressentiment contre le gynéco, car j'ai exprimé sur le moment ce que je pouvais lui reprocher. Je ne voudrais rien changer, tout a été parfait, sa présence aussi, c'est ce qu'il fallait dans cette situation, et tout est bien comme ça.

En conclusion, il n'y a rien à dire, c'est le début et pas la fin d'une belle histoire, ma conclusion c'est un grand sourire beat...