Elise : naissance d'Andrea

Jeudi 11 avril. Mon fils Enzo est déjà au collège quand je me lève enfin et chose qui ne m'arrive jamais, je me mets à pleurer. Je sais alors déjà que quelque chose se prépare...

Je file chez ma jumelle, Marine : je me douche, je ne prends même pas le temps de me coiffer, j'ai envie de sortir, je ferai mon brushing chez ma frangine. Je n'ai pas conduit depuis plusieurs jours, je suis trop grosse (+19 kilos), trop fatiguée et plus hyper réactive... Ces 20 minutes de voiture me font du bien, Bruno Mars à fond, je me sens un peu "revivre". La matinée se passe tranquillement, le déjeuner aussi. Il est 13h quand je ressens une première contraction, différente de toutes celles que j'ai eues jusqu'à présent... Elles se suivent tout doucement et je me dis que mon instinct de ce matin ne m'a pas trompée. J'en parle à Marine et elle me demande "tous les combien ???", je n'en ai aucune idée, je suis bien et je n'ai pas envie de me stresser avec une horloge. Elle verra sur mon visage tout l'après-midi leurs fréquences, on se passera de mots... Je finis par sortir mon petit sifflet pour les accompagner tout en douceur avec ma respiration, elles commencent à être assez désagréables. J'accompagne ma soeur chercher sa fille à l'école. Nous voilà parties avec mon neveu, ma dernière nièce et mon sifflet à pied jusqu'à l'école. C'est particulier comme ambiance : il y a du soleil, les petits doivent sentir qu'il se passe un truc, une maman me parle devant l'école et Marine répond à ma place. Quand je souffle dans mon truc bleu (le sifflet) et les gens me regardent un peu bizarrement... Normal, je commence à avoir un peu plus mal et les contractions sont toutes les 4/5 minutes depuis quelques temps déjà... On revient de l'école et je souhaite rentre à la maison, j'ai envie d'y être tranquille, de retrouver Enzo avant de partir à la maternité, de mon ballon, de prendre une douche. J'envoie un sms à ma mère, puisque nous avions convenu qu'elle viendrait récupérer Enzo et m'amener à la maternité, pour lui dire de se tenir prête ce soir au cas où.

de retour à la maison, Enzo est déjà rentré du collège et voit tout de suite ce qui se passe. Il se met à sauter partout et à crier de joie parce que "sa petite chérie" va arriver ! Il doit être 17h30.

Ma mère m'appelle à 20h, je n'ai pas encore fait à manger, je suis sur mon ballon, j'ai pris ma douche, je contracte toujours régulièrement mais pour moi, ce n'est pas l'heure de partir, pas encore. Elle me propose de venir nous chercher maintenant, qu'on pourra manger peinard, que je pourrai coucher Enzo à une heure décente et vivre ma vie comme je l'entends au cas où il faudrait y aller dans la nuit. Je trouve l'idée pas mauvaise mais je lui dis que j'aurai sans doute envie d'être tranquille seule, avec mon ballon et mon sifflet. Elle est ok et passe nous prendre.

On mange, je couche mon grand qui est tout excité puis je reprends ma place préférée sur mon ballon devant la télé avec mes parents. Vers 22h30, ma mère me déplie le canapé, j'ai envie de me reposer, c'est toujours pareil, je contracte, ça pince, c'est régulier mais je suis sereine et détendue. Je m'endors même entre chaque contraction. Ce sera comme ça jusqu'à 3h du matin... Dans ma tête je me demande ce que c'est que cette arnaque, pourquoi c'est si long, pourquoi ce n'est pas plus douloureux ? Je me lève pour aller aux toilettes et quand j'en reviens, je sens un liquide qui coule, qui coule... Enfin il se passe un truc !

Je préviens ma mère qui ne dort pas non plus et direct elle veut qu'on parte à la maternité (c'est juste la 10ème fois qu'elle me propose de partir). Moi, je ne suis pas stressée, bébé bouge bien et le liquide est clair mais devant son insistance je lui dis ok. De toute façon, je sais que j'ai fissuré la poche des eaux et qu'il faudra y aller dans les 3 heures.

Arrivée à la maternité à 4h, tout est calme, examen, monitoring, bébé va bien, j'ai bien fissuré la poche des eaux donc je suis hospitalisée et mon col ben... postérieur, long, à peine ouvert !!!! La sage-femme au vu de mon utérus cicatriciel va voir le gynécologue de garde et revient en me disant qu'il ne faut pas que j'oublie que la césarienne risque d'être décidée au staff de 8h30. A ce moment la, je m'en fous de ce qu'elle me dit, j'ai confiance en mon corps, je suis toujours zen et sereine et pourtant....mes contractions se sont bel et bien arrêtées depuis une heure !!!

Vendredi 12 Avril. 8h30. Je vois apparaître dans ma chambre... Super gygy de ma soeur, je sais alors que les choses vont pencher en ma faveur. C'est elle de garde aujourd'hui, on discute, elle me dit qu'elle attend que j'entre en travail spontanément (plus aucune contraction depuis maintenant 4h30 déjà ), que je serai sous antibiotiques à partir de 15h pour éviter le risque d'infection. Elle est ok pour qu'on me donne des médicaments à avaler au lieu de me perfuser et que je sois bloquée. Elle me dit d'aller marcher, de faire du ballon, de prendre un bain (ça peut faire lâcher le col), elle me laisse jusqu'à la fin d'après-midi /début de soirée et en fonction de l'état de mon col, soit on attend, soit c'est le bloc. Ca me va, j'ai toujours confiance. Je passerai ma journée à marcher encore et encore, me faire tous les escaliers de l'hôpital mille fois, faire du ballon puis un bain en fin d'après-midi. Je finis par être crevée, j'ai déjà une nuit blanche dans les pattes donc je finis par aller me reposer un peu.

Il doit être 18h à peu près quand Super gygy repasse. Personne ne m'a examiné depuis le matin à 4h et elle ne veut pas le faire pour limiter les risques infectieux. On rediscute, au monitoring bébé va bien, moi aussi. Elle décide donc de me laisser jusqu'au lendemain matin soit 30 heures après que j'ai fissuré la poche des eaux. J’ai le droit de manger et boire jusqu'à minuit puis il faudra que je sois a jeun en prévision de la césarienne à venir le lendemain matin. Elle aussi est toujours confiante, elle y croit, m'encourage, me dit de ne pas perdre espoir.

Je vais alors reprendre mes longues marches jusqu'à 1h du matin à peu près, je suis en paix avec cette césarienne qui arrive puisque le travail ne c'est toujours pas mis en route, 22 heures après que j'ai fissuré. Et c'est vrai que je suis bien, je sais que je vais bientôt accueillir notre fille et c'est ça qui compte pour moi....

Samedi 13 Avril. Je décide de retourner me coucher en prévision de cette rencontre qui m'attend.... A 2h30 du matin, je serai réveillée par une 1 ère contraction puis elles s'enchaîneront jusqu'à 5h à peu près assez régulièrement et de plus en plus douloureuses... Je préviens ma jumelle et ma mère.

A partir de ce moment la, je ne serai plus qu'une contraction, j'aurai l'impression pendant des heures et des heures de me déchirer, elles me prennent dans le ventre, le dos, les jambes en même temps, je les aurais d'affilé par 2, 3 sans répit entre puis 1 minute sans rien et à nouveau 2, 3 à suivre.... Ma mère passe à 9h, j'ai déjà pris un bain, marché, je me suis accroché à tout ce que j'ai trouvé dans les couloirs pour m'étirer et me soulager de la douleur toujours en soufflant dans mon petit sifflet bleu. Quand elle arrive, je suis sur le ballon dans ma chambre, je pleure de douleur, c'est trop fort, trop violent, j'essaie de ne pas me laisser envahir ni submerger mais parfois je n'y arrive plus....

La sage-femme m'a posé la perfusion d'antibiotiques à 4-5h du matin et m'a rasé "au cas ou ". 1er examen depuis mon entrée à la maternité, col enfin ouvert à 1 !!!! Bébé toujours au top au monitoring. Elle me refait couler un bain qui me soulagera bien mais à un moment, j'en ai marre de tremper, je sors et évidemment j'ai beaucoup plus mal....

Donc ma mère est là, elle essaie de faire comme elle peut pour me soulager, essaie de me masser le dos et le ventre pendant mes contractions en se mettant derrière moi alors que je veux seulement m'étirer sur mon ballon et que ça me fait encore plus mal qu'elle me touche ... Puis elle m'écrase ma perfusion sur ma main, se met à pleurer tellement elle se sent désemparée devant ma souffrance et me dit que je n'ai qu'à penser qu'avant, ça n'existait pas la péridurale !!!!

J'arrive entre 2 contractions à lui dire avec diplomatie que je ne veux pas qu'elle me touche et que ça serait cool qu'elle arrête de m'arracher ma perfusion toutes les 2 minutes parce qu'en fait j'ai déjà assez mal ! Elle comprend.

Je crois qu'après ça, ma jumelle arrive très vite et là, ce sera un peu "salvateur" pour moi. Elle a suivi les cours de prépa à la naissance pour sa 1 ère fille avec la même sage-femme, Danièle. Elles se connaissent très bien. Elle sait tout de suite comment m'aider, comment me faire passer les contractions, comment les "accueillir" au lieu de les subir. Elle souffle avec moi, sa voix est douce, je m'accroche à son cou, elle sait ce qu'elle a à faire. Encore une fois, ça se passe de mots entre nous 2... Je ne sais plus trop bien mais je crois que c'est à ce moment là qu'elle me dit qu'elle va rester près de moi et c'est juste évident, j'ai besoin d'elle.

Je souffre toujours plus, les heures passent, la sage-femme essaie de me faire tenir, la gynécologue repasse et me remonte le moral, m'encourage, me dit que le travail c'est comme un diesel, c'est long à démarrer, que je vais y arriver.

Moi, je veux une péridurale, je suis épuisée, je ne tiendrais pas jusqu'au bout comme ça... Toutes me font patienter comme elles peuvent mais je suis loin, comme si j'étais dans mon corps sans y être, comme si le temps s'arrêtait sur ma douleur... Je ne crierais presque pas, souffler dans mon truc bleu m'en empêche et ce n'est pas plus mal !

J'ai oublié de dire que la sage-femme qui m'accompagnera tout au long de cette journée est exceptionnelle, très discrète, des mots très doux et bienveillants, elle est jeune mais expérimentée. Elle a lu mon projet de naissance et vient me demander si malgré ce que j'ai écrit au sujet de l'intimité que je voulais pour cet accouchement, sa stagiaire peut être près d'elle et m'examiner aussi. Elle me la présente et j'accepte. Je me dis qu'un AVAC (j'y crois hein) au delà des protocoles ça pourrait lui ouvrir l'esprit sur les possibilités et le dépassement de soi dont on peut être capable dans ces moments là... La stagiaire sage-femme sera au top elle aussi toute cette journée.

Il est 11h30 à peu près, je veux un autre bain, je n'en peux plus de cette douleur. J'ai mis la blouse de l'hôpital, ma soeur m'accompagne jusqu'à la salle de la baignoire, il doit y avoir 50 mètres depuis ma chambre. Elle tire mon truc à perfusion roulant mais marcher est devenu un calvaire, je suis assaillie par les contractions qui n'en finissent pas. Je m'accroche partout dans le couloir, elle a eu la présence d'esprit de prendre une fringue ou une serviette (je ne me souviens plus trop ) pour me mettre sur les fesses quand je m'accroupis en soufflant (ben oui, la blouse est ouverte derrière , on est en pleine journée, il y a des mamans, des papas, tout plein de gens dans les couloirs ), je perds du sang, du liquide (toujours dans le couloir ) mais je m'en fous à ce moment, je ne suis plus une femme, rien qu’une espèce d'animal.... On peut me suivre à la trace et quelqu'un essuie le carnage derrière moi. Je ne sais pas combien de temps je mets pour atteindre cette baignoire.

Je me glisse dans le bain, je tiendrai encore 10 minutes puis je supplierai ma soeur de me trouver cette p***** de péri tout de suite. Je pleure, je m'accroche à elle, je gémis, je souffre trop, je sais que je suis allée au bout de ce que je pouvais encaisser à ce moment. Ca fait 9 heures que je souffre, j'ai dormi 3 heures en 2 nuits. Marine téléphone à Danièle. , lui explique. Celle ci dit qu'il faut qu'on me pose la péridurale, que ça va aider mon col à lâcher, que je risque de bloquer de trop de douleur. Je ne le sais pas encore mais je suis à peine dilatée à 2 cm ....

Marine va chercher la sage-femme, lui dit que maintenant il faut faire quelque chose pour me soulager. Elles me font sortir de la baignoire, la sage-femme sait bien que je ne rigole pas là. On file en salle de naissance, l'anesthésiste est déjà appelé. La sage-femme ne m'examine même pas, elle prépare tout pour la péridurale. L'anesthésiste veut que ma soeur sorte pendant la pose de la péridurale, elle lui dit qu'elle a eu 3 rachianesthésies, 3 césariennes, qu'elle reste, qu'elle ne me laisse pas et qu'elle s'en fout de l'aiguille. Elle non plus ne rigole pas là. Péridurale ok, ça me surprend un peu la douleur de l'aiguille moi qui n'avait rien sentit pour ma rachianesthésie. Mais je supporte, je sais que ça va apaiser mes douleurs. L'anesthésiste est top finalement, il la dose de façon à ce que j'ai toujours des sensations mais sans douleurs comme je demandais dans mon projet de naissance

Il doit être midi.

Les effets de la péridurale arrivent petit à petit. Marine part pour rentrer chez elle rapidement donner le sein à sa dernière et ma mère revient prendre le relais près de moi pendant ce temps. Elle m'écrasera ma perfusion encore plusieurs fois sans faire exprès....

Les effets de la péridurale arrivent tellement petit à petit que je me rends vite compte....qu'elle ne marche pas !!!!! La sage-femme rappelle l'anesthésiste mais il est au bloc, nous sommes samedi, c'est le seul de garde pour tout l'hôpital (j'apprendrai plus tard qu'il a laissé la personne du bloc attendre pour revenir s'occuper de moi).

Et là, je craque, je pète un plomb, toute ma souffrance, toute ma douleur, toute l'absence de mon Nico, tous ces jours de tous ces derniers mois, tout sort à ce moment. Pas cette douleur physique, celle de sa mort, celle enfouie au fond de moi, celle qui me ronge.... Je hurle, je crie, je suis secouée de sanglots, je ne pense plus à ce pourquoi je suis là, je veux le rejoindre, je hurle encore et encore mon désespoir...

Ma mère est encore une fois maladroite à ce moment là, l'anesthésiste (qui est revenu) lui dit de me laisser tranquille, qu'il faut que ça sorte, que c'est nécessaire là...

Il teste tous mes membres avec une compresse mouillée, je lui fais juste des signes de tête, je suis toujours ailleurs... Les deux sage-femmes sont là, elles me "portent", je sens une main qui serre la mienne. L'anesthésiste a fait sortir ma mère, il attend que je me calme un peu puis me repose la péridurale.

Je continue de pleurer dans les bras de la sage-femme pendant ce temps, mais je pleure sur cet amour qui n'existe plus que dans mon coeur, je pleure sur ce chemin déjà parcouru, je pleure ma merveilleuse vie près de lui qui s'est envolée, je pleure la chaleur de ses bras qui me manque tant et son odeur, je pleure sur ce moment unique de ma vie de maman et de femme que je suis en train de vivre sans lui ....

Je me calme tout doucement, je me reconnecte à la réalité. La péridurale est reposée mais...elle ne fonctionne qu'à droite !!! L'anesthésiste est resté, il cherche ce qu'il se passe, je vois qu'il ne comprend pas. Il me fait mettre à gauche pour que le produit se diffuse et ça finira par fonctionner comme ça, enfin. A ce moment seulement la sage-femme m'examine et je ne suis qu'à 2 cm ! Mais ça ne me stresse pas du tout, j'ai fait au mieux, je suis sûre que mon corps ne va pas me lâcher.

Et puis Nico me l'avait dit, « tu auras l'accouchement parfait »...

La sage-femme me propose de rompre la 2ème poche des eaux pour aider le travail à avancer (ben oui, il y a 2 poches !) et de mettre un peu de popote dans la perfusion au minimum. J'accepte. Le liquide est teinté, la petite a fait caca dans mon ventre la coquine. Ca ne l'affole pas, elle me dit que ça doit déjà faire quelque temps qu'elle a fait son méconium puisque son rythme cardiaque est au top depuis le début. Elle me pose la toco interne (protocole). Elle passera aussi beaucoup de temps à masser mon col parce que j’ai un petit bourrelet résistant d’un côté.

Là je perds la notion du temps, je somnolerais une bonne partie de l'après-midi. Ma mère me ramène un truc sucré à boire (la sage-femme l'a autorisé) qu'elle planque pour pas que l'anesthésiste le voit. Marine revient dans l'après-midi avec une orange épluchée pour me donner un peu de vitamines, que je tienne le coup.

Je vais dilater d'1 cm par heure tranquillement. Quand j'arrive à 5 cm, c'est une victoire pour ma frangine, c'est à 4,5 cm qu'elle est partie au bloc pour sa 1 ère fille... Danièle (ma sage-femme de la préparation) passe en fin d'après-midi. A ce moment la je suis examinée et la sage-femme se rend compte que la petite se présente en OS, visage vers le ciel. Ca explique un peu la longueur du travail !

Elle me fait me mettre sur le côté gauche, un pied dans un étrier mais la petite n'aime pas. Super Danièle me propose d'essayer le quatre pattes (elle peut rester, elle bosse aussi à l'hôpital) Elle m'explique comment souffler et basculer mon bassin pour montrer à bébé le bon chemin et essayer de la faire tourner. Elle me masse le haut des fesses et nous resterons 1h comme ça.

Re examen après, la sage-femme a un peu de mal à définir la position de la tête de bébé mais elle est toujours zen, son rythme est au top. Danièle s'en va après m'avoir encouragé et félicité de ce travail déjà accompli, elle me dit que c'est gagné pour elle.

Je suis à 8-9 cm vers 20h, ma sage-femme et la stagiaire sont un peu tristes, leur garde se termine, elles ne m'accoucheront pas et elles le regrettent. Elles ont été formidables toute la journée, m'ont soutenu, encouragé, m'ont dit d'y croire, que j'allais y arriver. Elle me promettent de venir prendre de nos nouvelles le lendemain soir. C'est presque triste de les voir partir.

La nouvelle sage-femme arrive, Myriam. Elle m'examine vers 21h30, prend ma température et je vois à sa tête qu'un truc ne va pas. Elle m'explique que je suis toujours à 9 cm depuis 1h30, que j'ai de la fièvre (39°), qu'il va falloir se préparer pour la césarienne, que mon bébé va commencer à souffrir... Ca me tombe dessus tellement...violemment.... Marine est là, elle sait que là c'est trop. Pas après tout ça, pas après toutes ces heures, pas après toutes ces chances qu'on m'a laissé, pas pour 1 cm. La sage-femme me parle, je veux lui hurler plein d'horreur, je lui en veux mais je ne fais rien de tout ça, je fais mieux. Je pleure encore et encore et quand elle me parle je tourne la tête, je ne lui réponds même pas (Marine me dira plus tard qu’elle n’a jamais autant eu honte de sa vie !). Elle me demande si je comprends ce qu'elle me dit, pourquoi il faut aller au bloc, elle me dit que son métier c'est de nous protéger ma fille et moi mais je m'en fous de ses mots à ce moment. Elle va chercher le gynécologue de garde. Je le connais bien lui aussi, c'est lui qui m'a donné mon accord de voie basse le premier. Il est resté dans l'ombre toute la journée, j'apprécie cette attention quand je me rends compte que c'est la 1 ère fois que je le vois.

Re examen. Il est moins froid qu'elle mais approuve ses paroles. Il me laisse 1h pour arriver à 10 cm mais le bloc est prêt (ça aussi je le saurai plus tard mais le bloc est prêt pour moi depuis des heures déjà ...) Fièvre, utérus cicatriciel, liquide teinté, bébé en OS, presque 20 heures de travail, 2 nuits blanches, ils n'y croient plus, ils pensent de toute façon que je n'aurai pas la force de pousser. J'ai une de ces rages en moi à ce moment, mêlée à une espèce de désespoir...

Ma mère est revenue mais elle reste discrète. Elle et ma soeur sortent. Ma soeur me dira plus tard que la sage-femme lui a sauté dessus pour lui expliquer, qu'elle savait qu'elle avait le rôle de la méchante mais qu'il fallait qu'on le fasse ensemble, main dans la main, que c'était pour notre bien et que la naissance par césarienne, c'est juste différent, ce n'est pas qu'on est pas capable, c'est le corps qui ne marche pas mais ça reste la naissance de ma fille.... Je crois que ça a marqué ma soeur ces derniers mots, moi aussi quand elle me les dira. Ma soeur lui explique pourquoi je me suis braquée, c'est trop là à encaisser. La sage-femme lui dit qu'elle a lu mon projet de naissance pour la césarienne, qu'il y a plein de choses qu'elle ne pourra pas réaliser. Marine renégocie tout pour moi (sans m'en parler), elle sait ce que je peux avoir, elle a eu ses 3 césariennes ici et surtout elle sait ce qui est important pour moi. La sage-femme finit par être ok. Je ne saurai qu'après aussi à quel point elle et ma mère ont eu les boules, je pense presque autant que moi et qu'elles se sont demandées comment elles allaient m'aider à avaler la pilule.

Marine est revenue, a eu des mots simples, je savais qu'elle avait raison et la sage-femme aussi mais blurp blurp quoi.

Myriam. revient, elle me prépare pour le bloc, je me met à tout négocier mais en vain. Je lui dis de trouver une autre solution que le bloc, je ne veux pas qu'elle me sonde maintenant, je pleure encore. Je serai sondée et je vois ma poche accrochée, le bloc m'attend... Je reste là, je n'ai plus le choix, je ne peux même pas dire comment je me sens à ce moment...

Il est 22h30, la sage-femme revient, m'examine...Je suis à 10 et bébé est bien engagée !!!!!! Elle va chercher le gynécologue. Il m'examine, la regarde et lui dit "vous pouvez vous préparer dans 30 minutes" puis me regarde en souriant "il va falloir pousser !!! "

Là, je sais que Nico est près de moi depuis le début, qu'il m'a aidé à y arriver, à me battre jusqu'au bout, à me surpasser.

Je suis euphorique, je n'en reviens pas, c'est incroyable !!!!

On se regarde avec ma frangine, je crois que toutes les 2, on se dit que j'ai du pot quand même. Ca paraît un peu surréaliste comme situation... On se dit que je vais faire un truc qui semble si normal à tant de gens mais qui nous paraît tellement fou à nous 2, accoucher par voie basse !

Je ne rigole pas trop longtemps parce que la péridurale ne fonctionne plus depuis presque 1 heure et que j'ai à nouveau mal. Myriam l’éteint, elle me dit que c'est bien que je ressente à nouveau tout pour pousser correctement et sentir mon bébé passer.

Elle monte la table très trèèèèèès haut puis je commence à m'installer. Je veux être assise mais elle me conseille plutôt de me mettre semi assise. J'écoute. Je ne veux pas les étriers, elle me demande d'essayer avec en tirant sur mes cuisses. Ma foi, c'est pas mal du tout comme ça. Je veux quand même essayer avec les pieds posés plus bas que mes fesses mais je trouve ça naze en fait. Je lui demande de mettre une poche de sérum physiologique sous chacune de mes fesses pour que mon coccyx n'appuie pas sur la table (merci super Danièle pour le conseil, ça facilite l'expulsion ou un truc dans le genre), Myriam. me roule le drap à la place des poches.

Elle me demande mon prénom et si elle peut m'appeler Elise. Je suis ok, je me suis un peu détendue depuis le coup de la césarienne...

On attend la contraction, ma frangine se tient prête à me mettre mon sifflet dans la bouche (il y a dessus une position pour la poussée, du coup je pousse en soufflant correctement et efficacement). Je commence à pousser, je donne tout ce que j'ai pendant la contraction. Quand elle passe, je crie à moitié sur ma frangine du style "eau !!!" "sifflet!!!" et "tiens moi la tête quand je pousse !!!"

La petite descend très vite, sur la 2ème contraction, Myriam. demande à ma jumelle si elle veut voir sa tête qui sort, elle me regarde, je veux bien. C'est trop beau ce qu'il y a sur son visage d'un coup ... Une espèce d'émerveillement ... Elle me dit qu'elle a des cheveux ! Myriam. me propose de toucher la tête de ma fille mais je n'y arrive pas, trop gros mon ventre.

Elle m'encourage, me dit que je pousse super bien, que la petite arrive rapidement. Mais qu'au moment de sortir les épaules, je devrai pousser moins fort pour ne pas tout me déchirer. Pas tombé dans l'oreille d'une sourde !

Je continue de pousser, toute sa tête sort (le visage sur le côté), je la sens qui passe comme si elle glissait, comme si c'était facile. Je peux enfin toucher sa tête et c'est juste magique .... Puis les épaules et Myriam. me dit de venir attraper ma fille. Je crache mon sifflet et c'est la seule fois où je crierai mais un cri bestial, quand je la saisis sous ses bras pour la faire naître .... Je la regarde pour la 1 ère fois, elle est encore dans mes mains en face de moi et j'ai l'impression d'avoir mon Nico en tout petit en face de moi...Je la pose sur moi, elle crie tout de suite longtemps, je n'en peux plus de pleurer, de la serrer, de l'embrasser, tant d'émotions mélangées à ce moment, cet amour qui déborde, sa petite odeur merveilleuse et d'un coup je me rappelle la naissance d'Enzo, je me rappelle cette même émotion, ce même amour, cette même odeur, rien n'est différent, sauf leur naissance ...

Andréa est née, le 13 Avril à 23h52, 3kg410, 49 cm, 35 de périmètre crânien.

13 heures de pré travail pour fissurer, 23 heures d'attente pour rentrer en travail, 21 heures de contractions et 20 minutes de poussées !

Marine filmera ce moment et c'est un sacré beau souvenir ! Elle coupe le cordon, la dernière chose qui nous relie l'une à l'autre ma douce fille et moi.

Le placenta sort tout de suite, je demande à le voir, elle nous explique tout, c'est super gros !!! M. me fait un petit point à l'intérieur et c'est réglé !

Je garderai mon bébé longtemps contre ma peau, elle sera emmenée pour être aspirée quand même (liquide teinté), pesée et mesurée mais ma mère ne l’a quittera pas pendant ses soins. C’est d’ailleurs elle qui l’habillera pour la 1 ère fois juste à côté de moi.

Si j'ai réussi tout ça, ce long cheminement, cette naissance, c'est aussi grâce à vous toutes (Césarine),vos conseils, vos encouragements, votre écoute et votre réconfort. C'est un tout.

Cet accompagnement extraordinaire d'humanité que j'ai eu la "chance " d'avoir dans mon malheur avec la rencontre de mes merveilleuses Patricia et Ophélie , sage-femme de la PMI et Psychologue de la maternité qui m’ont tellement aidé à me réconcilier avec la vie et soutenu, ma super Sage Femme Danièle qui m’a si bien préparé à cette naissance tant par la préparation en elle-même (sans laquelle je n’aurai jamais tenu le coup pendant ses longues heures de travail si violent) que par sa présence quand j’en ai eu besoin, ses paroles sans tabous, ses mots toujours si naturels, sa discrétion et son efficacité sans faille, avec l’équipe entière de la maternité qui a su me faire confiance, cette force d'y croire jusqu'au bout grâce à mon Nico, à vous, à cette femme que je suis devenue, à mes enfants mais aussi à ma super frangine qui c'est vrai, a fait certainement bien mieux que beaucoup d'hommes (même si vous avez toutes des mecs de compét ) Parce qu'avec 3 césariennes à son actif, il fallait trouver le courage de dépasser ça je trouve. Elle a dit après la naissance d'Andréa " voilà ce que je ne connaîtrais jamais...." mais je sais à quel point l'avoir vécu à travers moi a été pour elle un cadeau merveilleux .... D’ailleurs chaque fois qu’on en reparle elle me dit « j’ai soufflé toute la journée avec toi et j’ai poussé en même temps que toi ! »

Et finalement, je ne voulais pas de péridurale, j'en ai eu une pendant 12 heures, je ne voulais pas être allongée des heures, je l'ai été, je ne voulais pas de toco interne, je l'ai eu et d'autres choses encore mais j'ai été tellement respectée et je suis tellement allée au bout de moi avant d'accepter tout ça que je n'ai aucun regret, vraiment (pensées pour Hélène et son AAD si....long chez elle !)

C'était mon accouchement parfait, celui qu'il m'avait promis et pour moi, la boucle est bouclée...