Emmanuel : naissance de son fils

L'infirmière et le gynéco s'obstinent et bien que la dilatation soit là, quelque chose cloche. C'est certain. Et la décision tombe, césarienne. Tout va très vite à partir de ce moment, on m'annonce que je vais pouvoir assister à l'accouchement. Comment aurait-il pu en être autrement ?

Chacun sait ce qu'il a à faire et s'active à l'exécution de sa tâche, et moi qui ne fait que suivre essaie de ne pas les distraire. Ne pas les distraire d'un paramètre à prendre en compte qui pourrait être essentiel. Surtout ne pas les déranger, comme si fermer les yeux allait aider l'avion à mieux se poser sur la piste.

On m'habille, on prépare la salle, j'attends dans une salle d'attente pour malades en attente d'opération. Un barbu, grand, maigre et manifestement mal en point attend à côté de moi, sans doute une opération, sans doute une maladie grave. Le caméscope dans une main, un masque sur le visage, j'attends. Je ne pourrais dire le temps que j'ai attendu, un moment hors de temps.

On vient me chercher, j'entre dans le bloc, je te vois sur la table. J'entre dans le domaine de la foi et bien que ma vie se joue à cet instant précis, je suis impuissant, condamné à faire confiance. Je te tiens la main, la chaleur et les larmes perlent sur mon visage. Etre avec toi et tenir ta main est déjà une tâche bien suffisante, l'esprit est grillé et je comprends qu'il est possible de ne penser à rien. L'intervention se déroule, entrecoupée de clock-in du moniteur et des interventions de l'anesthésiste.

Soudain, un mouvement de personnel soignant va en direction de la table de soin du bébé, on entend un pleur de bébé et l'anesthésiste m'invite à filmer le bébé, mais j'ai peur de te laisser alors que l'attention se déplace, et je vais malgré tout voir le bébé pour filmer. Première impression, rien, knock out. Je tiens la caméra, je suis autour de l'équipe soignante qui s'occupe du bébé, on te présente le bébé et je suis près de toi. Puis quelques secondes après, je dois te laisser et remonter en maternité.

Je ne sais pas dans combien de temps tu seras de retour. J'attendrai avec impatience ton retour, un sentiment que le temps est suspendu en attente de ton retour. J'avais déjà remarqué qu'on était toujours spectateur des moments essentiels de sa vie, comme le mariage que j'avais vécu comme dans un rêve, avec des liens ténus avec la réalité. La naissance de Louis s'est passée comme ça, une phase technique, médicale et nécessaire.

Mon premier temps de bonheur attendra le soir où nous nous retrouverons tous les trois dans la chambre, pour moi, la naissance "affective" a eu lieu à ce moment...