Ingrid : naissance d'Aude

Après ma deuxième césarienne, je m'en suis énormément voulue, trouvant que je n'avais pas suffisamment mis les chances de notre côté, ayant surtout eu le tort de croire que mon gynécologue ferait tout pour un accouchement par voie basse... Ce qui n'était pas du tout le cas ! Le travail était entamé... Oui !!! Mais il nous manquait l'essentiel : du temps et du soutien !

C'est dans cet état d'esprit que nous étions lorsque je suis tombée enceinte de notre 3 ème enfant ! Nous étions bien sur très très heureux... mais nettement décidés cette fois-ci à « faire les choses autrement ». Nous nous sommes tournés vers les sages-femmes libérales et nous avons découvert Anne avec qui le courant est très vite passé ! Nous avons longuement parlé tous les trois de notre projet qui paraissait irréalisable pour bien des gynécologues... mais pas du tout pour Anne !

La grossesse s'est très bien passée jusqu'à 6 mois... Ensuite, j'ai dû beaucoup me reposer... Mais Anne est venue à la maison et nous avons continué l'haptonomie, les longues discussions autour de notre AVAC (accouchement par voie basse après césarienne), les lectures de livres ou d'articles sur Internet, ...

Notre entourage ne disait pas grand-chose de notre projet, mais nous sentions le doute... Ce qui nous a poussé à « ne pas trop en dire » !

Nous n'étions pas dans les conditions pour un accouchement à domicile ou en Maison de Naissance, nous avions dont besoin d'une maternité ouverte à notre projet et surtout d'un gynécologue qui l'accepte ! Et nous avons fini par trouver notre perle rare qui nous a d'emblée proposé son « chapeau gynécologique ». Soulagés et ravis, les dés en étaient jetés, nous allions tenter l'accouchement que nous souhaitions le plus naturel possible, le plus doux pour notre bébé et pour nous... le plus simple aussi !

(Je dis bien « tenter »... non pas que nous n'y croyions pas... mais nous préférions nous préparer à ce que tout ne se passe pas comme nous le voulions...)

La venue au monde de Aude a été précédée de longues semaines de pré-travail qui m'épuisait physiquement et nerveusement... Heureusement que Anne et Evelyne (une autre sage-femme) étaient là pour nous soutenir et m'aider à voir le côté positif de ce pré-travail !

Il y a eu une nuit de pleine lune qui a été ponctuée de contractions régulières et indolores. Puis le baptême de ma filleule... ce qui a fait dire à tout le monde que cette fois-ci, je pouvais accoucher !

Et effectivement, dans la nuit qui a suivi, j'ai commencé à perdre les eaux vers 3h10 du matin. J'avais très peu dormi... mais en laissant couler les eaux dans ma baignoire, j'ai senti aussi un calme incroyable m'envahir !

Le papa s'est levé, nous sommes descendus dans le salon... les enfants continuaient à dormir. J'ai téléphoné à Anne qui est venue tout de suite à la maison ! Notre bébé allait bien, moi aussi... L'attente a commencé... Je n'avais pas vraiment de contractions, nous avons donc cherché des moyens d'activer un peu le travail : marche, changements de positions, homéopathie, huile essentielle de clou de girofle en massage...

Les heures passaient sans beaucoup de changement, mais nous étions toujours très calmes... Les enfants se sont levés, ils n'étaient pas trop étonnés de voir Anne à la maison si tôt le matin, ils la connaissaient bien, on a déjeuné.

Nous sommes finalement partis pour la maternité vers 12h30. J'ai continué de perdre régulièrement les eaux, finissant par inonder le siège de l'auto !

Arrivés vers 13h15, on m'a mis sous monitoring 15/20 minutes. Très peu de contractions et le col était toujours postérieur, la tête du bébé n'appuyant pas vraiment dessus, très mou et ouvert 3 cm.

On discute avec Cécile, la sage-femme de la maternité, des moyens qu'on a utilisé pour activer un peu le travail... et elle va nous chercher un complexe homéopathique à prendre toutes les demie heures ainsi qu'une huile à m'appliquer dans le bas du dos et sur le ventre.

Cécile nous installe dans la « chambre jaune », une très belle salle de naissance avec une grande baignoire, un ballon, une écharpe colorée qui pend du plafond...

Ambiance détendue, on rigole avec Anne, je ressens une contraction de temps en temps. On va se balader dans les corridors de l'hôpital et on finit à la cafétéria pour manger une glace... Il est 16H00.

On remonte dans notre « chambre » où on reprend les massages... Un monitoring très court montre des contractions plus nombreuses et plus fortes... Tout va bien, notre bébé va bien... Nous sommes très détendus !

Dans l'heure qui a suivi, je n'ai pas arrêté de m'activer, ma préférence allant aux escaliers où dès que je sentais une contraction, je me suspendais à la rampe, le dos bien étendu, accroupie les jambes légèrement écartées... C'est dans cette position que j'ai ressenti les premières contractions douloureuses !

Je ne sais pas combien de fois j'ai monté et descendu les étages de l'hôpital... Anne m'a juste dit le lendemain avoir eu mal aux mollets! Mais à partir de ce moment, mes souvenirs ne sont plus si nets, je suis rentrée dans ma bulle et je vais de plus en plus percevoir tout ce qui n'est pas mon bébé, les contractions... comme au travers d'un brouillard...

A ce moment, il devait être 18H et le travail s'est intensifié très très vite !

Un nouveau monitoring très court et silencieux nous a montré de jolies montagnes russes très rapprochées et de plus en plus senties !

Je songe à ce « sac de contractions » qui se vide un peu plus à chaque fois...

Eric se met en face de moi, toujours assis sur cette drôle de table d'accouchement et à chaque contraction, je lui tends les mains afin qu'il m'étire doucement vers l'avant !

Ça me fait beaucoup de bien... En même temps que je commence à avoir besoin de crier et de me plaindre à chaque contraction.

Vers 19H, Cécile, la sage-femme de la maternité qui s'occupait de nous, m'a proposé de manger un peu si j'avais faim... mais pas trop ! Oui, j'ai faim... très même quand elle me le propose ! Mais lorsque le plateau arrive... ça ne me dit plus grand-chose... je grignote un bout de pain... m'arrête très vite !

J'ai envie de savoir « où j'en suis », je vais à la toilette et je m'aperçois que je perds un peu de sang ! Je le dit à Anne... qui lève son pouce en direction d'Eric... c'est un très bon signe ! En revenant... je ne veux plus qu'on m'examine, je veux aller dans le bain, j'ai trop mal... ça va me soulager !

Il doit être 20H, je m'allonge... enfin façon de parler, Eric et Anne me portent dans la baignoire et m'aident à m'allonger... Deux contractions plus tard, je suis à 4 pattes... Allongée, ce n'est vraiment pas possible... je me cramponne au rebord de la baignoire et je crie de douleur comme je n'ai jamais crié... Ca me soulage, ça fait tellement de bien ! Le papa me soutient comme il peut en me massant le bas du dos, en m'aspergeant d'eau chaude...

J'ai envie d'aller à selle... je le dis... et au même moment, Cécile fait irruption dans la chambre, alertée, je suppose par mes cris ! Elle souhaite m'examiner... moi je ne veux pas... et surtout, je ne veux pas qu'on me bouge de la baignoire...

C'est drôle... excepté de rares choses, je suis souvent indécise dans la vie... là, je savais parfaitement ce que je voulais de ce que je ne voulais pas et je le faisais clairement savoir !

Cécile et Anne me rassurent... on peut m'examiner dans l'eau ! Je suis d'accord... Surprise générale, Cécile crie que je suis à dilatation totale... On se regarde tous les 3 complètement stupéfaits ! Nous n‘en revenons pas... Eric et moi avons le même réflexe: regarder l'heure... il est 20h30 ! Cécile sort précipitamment en disant qu'elle va téléphoner à notre gynécologue ! On ne nous le dit pas... mais tout le monde se demande si elle va arriver à temps !

Anne me dit doucement que je vais pouvoir commencer à pousser... Je ne suis toujours pas revenue de ma surprise !

Rien n'est prêt pour la venue de notre bébé... Cécile nous avait bien demandé de lui préparer un body et un petit pyjama... Mais persuadés que bébé mettrait bien plus longtemps à arriver, nous avions laissé ça de côté !

Cécile revient, et avec mon « équipe » je me mets à pousser, à aider mon bébé à naître... Je suis toujours dans la baignoire mais allongée cette fois! Je me suis vite rendue compte que ça n'était pas si simple. Je ne sais pas pourquoi, j'ai cru que ça irait tout seul, très vite, qu'en 2 ou 3 poussées, notre bébé serait là ! Chaque contraction qui arrive amène son lot de poussées, de cris, de douleur... et de fatigue ! Je me rends compte que je ne pousse pas très bien.

Notre gynécologue arrive et vient me rassurer et m'encourager ! Quelqu'un m'explique comment mieux pousser. Je me remets au travail, m'assoupissant presque entre chaque contraction, ce qui tracasse le futur papa qui a peur que je m'endorme pour de bon !

Notre gynécologue sent que quelque chose me tracasse… oui, effectivement, j'ai peur d'une douleur que je ressens à la hauteur de ma cicatrice des césariennes ! Elle trouve les mots qu'il faut pour me rassurer très vite: la rupture utérine n'est plus à craindre à ce stade du travail, bébé est trop bas maintenant !

Je me sens mieux et alors, je ne sais pas quelle mouche me pique, mais il faut absolument que je sorte de la baignoire, je n'en peux plus d'être mouillée et d'avoir si chaud !

Eric et Anne me sortent de la baignoire. On me propose le tabouret. Effectivement je souhaitais accoucher accroupie sur ce fameux tabouret !

Mais ce siège me parait si loin (en fait, il est tout près... mais ça me paraît le bout de monde) que je préfère monter sur la table et m'installer à quatre pattes ! Le changement de position va me fait du bien, va m'aider pendant quelques poussées.

Tout le monde m'encourage en me disant qu'on voit les cheveux de mon bébé. Effectivement, je tâtonne et je sens la tête de mon bébé juste à la sortie de mon vagin ! J'entend Anne qui me crie « fâches-toi Ingrid !!! »

Je me fatigue à 4 pattes... Anne me propose à nouveau le tabouret, mais c'est certain, je vais tomber de la table en descendant. Je préfère alors me mettre sur le côté droit, une jambe repliée et soutenue par notre sage-femme ! Eric me tient les mains très fort et me parle sans arrêt ! De nouveau, le changement me fait du bien et fait avancer un peu les choses…

Quelques contractions plus tard, je suis sur le dos, semi-assise et je vois la tête du bébé... Je pousse encore une fois et la tête de Aude apparaît entre mes cuisses, elle me « tourne le dos »... Je me mets à crier « oh mon bébé », je sens Eric terriblement ému à côté de moi...

La gynécologue dégage le cordon du cou de Aude et tous, nous attendons la contraction suivante qui dégagera définitivement Aude de mon ventre...

Ce moment me paraît infini... J'ai bien cru que cette contraction n'arriverait jamais (Anne me dira le lendemain qu'elle a éprouvé la même chose)... Je ressens, à ce moment-là, la pénombre dans laquelle est plongée cette chambre que je n'oublierai jamais.

La contraction tant attendue arrive enfin et aidée de la gynécologue, j'attire Aude sur mon ventre, sur mes seins en criant et en pleurant... Je ne sais pas combien de fois j'ai appelé mon bébé ! Cécile vient déposer un drap sur Aude toute mouillée afin qu'elle ne se refroidisse pas.

Au bout de quelques minutes, je demande si notre bébé est bien une petite fille... et là, notre gynécologue nous invite à vérifier par nous-même... Ça y est... après deux bonhommes, nous voilà parents d'une très jolie petite fille ! Je crois que je n‘ai pas arrêté de pleurer, j'ai embrassé tous le monde, je débordais de bonheur...

Après la délivrance du placenta et les travaux de couture nécessaires, tout le monde s'en va, Anne m'embrasse et me dit au revoir. Je n'en finis plus de remercier tout le monde !

Il fait calme maintenant et tous les trois, nous partons à notre rencontre ! Aude est collée contre moi, toute nue sous le drap, très sereine... Ce n'est qu'après que je me rends compte qu'elle n'a pas crié... juste gémi un peu...

Je finis ce récit et Aude est dans mes bras, toute calme après avoir tété, elle dort...