Dépassement de terme

Les pratiques de routine des établissements concernant la conduite à tenir en cas de dépassement de terme sont extrêmement variables. Dans certains établissements, des déclenchements sont proposés en routine passé un certain terme. D'autres établissements proposent une politique de surveillance attentive.

Cette page vous propose quelques éléments pour vous permettre de vous repérer.

Vous trouverez des informations générales sur le déclenchement dans la page de ce site qui lui est consacré.

Cette page n'entend pas traiter de la problématique du dépassement de terme sous l'angle de la physiologie, nous n'entendons pas répondre à la question "est-ce réellement une bonne idée pour la mère ou pour le bébé, tant physiquement que psychologiquement, d'arrêter une grossesse qui se passe bien avant qu'elle ne s'arrête d'elle-même ?". Nous nous bornerons à en considérer l'impact du point de vue de la césarienne.

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Comment calcule-t-on le terme d’une grossesse ?

Avant de parler de dépassement de terme, il nous paraît important de rappeler que fixer un terme précis à une grossesse est illusoire.

En effet, pour donner une date de fin de grossesse, il faudrait connaître deux éléments :

  • la date de conception
  • la durée de grossesse

Ajouter une durée de grossesse à votre date de conception permet d'estimer une DPA (Date Prévue d'Accouchement).

Cette date est importante d'un point de vue administratif, car elle permet de calculer par exemple les dates du congé maternité. D'un point de vue médical, il serait plus juste de parler de "période probable d’accouchement". Pour calculer cette période, il vous suffit d'ajouter 14 jours avant le jour « J » et 7 jours après. 7 femmes sur 10 accouchent pendant une période de trois semaines autour de la date présumée d’accouchement (DPA).

3 accouchements sur 10 ont lieu en dehors de cette période. Le suivi médical est alors adapté jusqu’à l’accouchement. En-dehors des grossesses à risque, un déclenchement peut être décidé. Il fait alors l’objet d’une décision partagée entre vous et l’équipe obstétricale.

La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié une information sur le calcul de la date probable d'accouchement

L'incertitude sur la date de conception

La date de conception est parfois connue par les mères qui ont pris leur courbe de température ou effectué des tests d'ovulation. Mais le plus souvent, elle n'est pas connue et ne peut être qu'estimée à partir de la date des dernières règles. On estime en général que l'ovulation se produit le 14ème jour du cycle mais, en réalité, l'ovulation peut se produire à n'importe quel moment après les règles (elle survient habituellement 12 à 16 jours avant les règles suivantes). Si votre cycle est long mais régulier, vous avez probablement une ovulation plus tardive. Mais vous pouvez également avoir des cycles très réguliers d'habitude et une ovulation inhabituelle pendant le cycle pendant lequel vous avez conçu, sans que vous ne puissiez le deviner.

On le voit donc : se baser sur la date des dernières règles n'est qu'une approximation, à plus ou moins quelques jours.

Connaître la date du rapport fécondant n'est pas non plus suffisant, en effet, les spermatozoïdes peuvent survivre plusieurs jours, donc la conception peut se produire lors d'une ovulation survenant 4 ou 5 jours après le rapport.

L'échographie des 12SA permet de lever partiellement cette incertitude. En effet, les échographistes disposent de tables statistiques sur différentes mesures (voir des exemples sur le site aly-abbara) qui leur permettent de dire si les mesures paraissent cohérentes avec la date de conception supposée. Il faut cependant noter que cette méthode ne permet de détecter que les différences grossières : par exemple la longueur cranio-caudale est :
 

Terme 5 ème percentile 
c-à-d que 5% des bébés
sont en dessous
de cette mesure
50 ème percentile 95è percentile
c-à-d que 5% des bébés
sont au dessus
de cette mesure
11SA 27.3mm 37.1mm 47.0mm
12SA 35.8mm 47.4mm 59.1mm

On voit bien là l'incertitude : un bébé mesuré à 40 mm est-il un petit bébé de 12SA ou un grand bébé de 11SA ? C'est pour cette raison que l'échographiste donne en général une date de conception à plus ou moins 3 jours, soit une plage de « dates de conception possibles » de quasiment une semaine.

L'incertitude sur la durée de la grossesse

La durée de la grossesse est à compter à partir de la date de conception et non de la date des dernières règles.

L'usage étant de compter en SA (semaines d'aménorrhée), votre gynécologue vous fournira peut-être une « date des dernières règles modifiée » afin que la conception soit calée sur J14. Lorsque vous serez à 40 SA, vous serez donc en réalité à 38SG (semaines de grossesse)… et peut-être à 41 semaines d'aménorrhée réelles !

La durée de la grossesse elle-même n'est pas connue. On l'estime le plus souvent autour de 266 jours. Cependant cette durée varie, notamment selon la parité (les primipares ont des grossesses plus longues), l'âge et l'origine ethnique.

L'estimation du terme, même couplée à l'échographie, donne une erreur moyenne de +/- 7 jours ([1][2]).

Cependant, on estime qu'avec la précision de la date de conception estimée par échographie, seules 1,1% des grossesses arriveront à 42 semaines.

On trouvera donc, au final, différentes « méthodes » de calcul du terme :

  • terme = conception + 39 semaines révolues (soit 41 SA)
  • terme = conception + 269 jours (les 40 SA + 3 souvent utilisées en France)
  • terme = conception + 266 jours (les 40 SA souvent utilisés en Belgique)
  • terme = conception + 9 mois calendaires (c'est la date « sécurité sociale » française : un enfant conçu le 1 er janvier, naîtra le 1 er octobre ; elle sert à calculer les dates de votre congé maternité. Elle coïncide plus ou moins avec 41SA, en fonction du mois de février. Utiliser cette définition permet de faire coïncider le calendrier médical et le calendrier administratif.)
  • notons que l'OMS ne cherche pas à calculer de « terme » et classe simplement les accouchements en « prématuré » avant 37 SA, « à terme » entre 37 SA et 41 SA + 6, et « à terme dépassé » si on dépasse les 42 SA.
  • ... et que, au final, rien de tout cela ne peut prédire quelle sera la durée de votre grossesse, pour votre bébé!

Une enquête réalisée en 2000 dans le cadre des JTA (le contenu n'est plus accessible sur le site) montrait une grande disparité des dates annoncées par des gynécologues en réponse à la question «  Quelle date théorique d'accouchement annoncez-vous à une patiente dont le début de grossesse est fixé au 1er janvier 2000 ? » (les réponses variant entre le 16/09/2000 et le 08/10/2000, une grande majorité donnant le 1 er octobre). A la question « à partir de quelle date considérerez vous qu'il y a dépassement de terme ? », 10% des gynécologues estimaient que le terme était dépassé avant même le 30 septembre.

Pour résumer: ce n'est pas parce que vous avez une date dite « date prévue d'accouchement », que vous allez forcément accoucher ce jour-là, ou avant ce jour, ni même dans les jours qui suivent !

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Pourquoi craindre le dépassement de terme ?

Lorsque les grossesses dépassent 42SA, ce qui est rare, les bébés ont tendance à être plus gros : on trouve donc plus fréquemment des bébés macrosomes (c'est-à-dire, avec un poids de naissance > 4kg), avec les complications qui peuvent en découler. Mais on trouve aussi des enfants plus fragiles avec plus fréquemment un liquide méconial et des signes de souffrance fœtale.

Si le placenta ne remplit plus son rôle, on peut observer un syndrome de post-maturité : le nouveau-né est amaigri et sa peau prend un aspect fripé et pèle ; ces enfants sont plus fragiles (souffrance fœtale aiguë, hypoglycémie néonatale).

Pour une information plus complète sur les événements liés au dépassement de terme, vous pouvez consulter [3].

La difficulté consiste donc à savoir distinguer les grossesses naturellement longues et sans souci particulier, des grossesses qui auraient oublié de se terminer et commencent à devenir pathologiques.

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Que faire en cas de dépassement de terme ?

Deux attitudes sont possibles lorsqu'une mère atteint sa date de terme théorique : attendre en surveillant, ou déclencher l'accouchement.

Un exemple de politique de surveillance est décrit par .

Le plus souvent, on s'intéressera :

  • au rythme cardiaque de votre bébé (monitoring – bien que cet outil soit controversé comme évaluation fiable du bien-être foetal),
  • à la quantité de liquide restant (échographie),
  • à l'état du placenta (échographie).

Plus rarement, certaines maternités s'interesseront également

  • à la couleur du liquide amniotique, par l'amnioscopie (schémas). Cependant il faut que le col soit déjà un peu ouvert pour pouvoir pratiquer cet examen.
  • à la quantité de mouvements de votre bébé.

Tout ou partie de ces contrôles seront effectués tous les 2 jours, en général à partir de 41SA (certaines maternités proposent de démarrer la surveillance dès 40SA+3).

Plusieurs études se sont intéressées à cette question : vaut-il mieux attendre en surveillant ou proposer un déclenchement systématique ? Citons notamment :

  • [4] , [5] et [6] comparent des femmes dont la grossesse atteint 41 semaines et qui sont soit déclenchées, soit surveillées en attendant le déclenchement spontané et conclut qu'en termes de mortalité / morbidité, avec les méthodes de surveillance utilisées, les deux méthodes se valent.
  • A l'inverse [7] paru en 2006 analyse 19 études parues sur le sujet, et conclut qu'une politique de déclenchement systématique à 41SA réduit la mortalité périnatale (0/3000 contre 7/3000), tout en notant que le risque absolu reste faible. En prenant les chiffres à l'envers, d'après cette étude, il faudrait 430 déclenchements pour éviter un décès. 
    Cependant ces résultats sont à prendre avec prudence, on peut lire par exemple cette critique qui tempère quelque peu les résultats de l'analyse précédente parue en 2000, certaines des critiques émises restant peut-être valables pour l'analyse de 2006.

Le risque absolu étant faible ([8] donne un taux de déces in-utéro de l'ordre de 1 pour 1000 à 41SA) , les recommandations sur la conduite à tenir en cas de dépassement de terme sont donc relativement variables. Par exemple on peut trouver les recommandations opposées suivantes :

  • « L'induction systématique n'apporte pas de bénéfice clairement démontré entre 41 et 42 semaines et encore moins à terme pour la majorité des auteurs. Ils signalent une augmentation de l'interventionnisme sous forme de césariennes pour anomalies de tracé et une augmentation des extractions instrumentales et finalement une augmentation des transferts en pédiatrie. » [3]
  • « [...] il nous semble plus logique de proposer, comme l'ont conclu plusieurs auteurs une maturation cervicale [...] systématique à partir de 41 SA » [9]mais cet article précise que « Le choix entre l'expectative et le déclenchement systématique à partir de 41 SA reste donc controversé. La morbidité materno-fœtale semble être comparable quelle que soit l'attitude adoptée. De ce fait, les deux prises en charge sont également valables. »

La solution réside peut-être dans l'amélioration des moyens de surveillance, en optimisant l'utilisation des méthodes les plus efficaces. Par exemple, le monitoring en cours de grossesse semble remis en cause par plusieurs études comme outil de prédiction fiable. Une autre piste serait d'effectuer des dosages d'hormones. Des recherches sont nécessaires afin d'évaluer les méthodes les plus pertinentes.

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Dépassement de terme et risque de césarienne

La plupart des études donnent un taux de césariennes comparables entre les deux stratégies, surveillance ou déclenchement. Ce taux est de l'ordre de 20 à 25% ([4][5][6][7]).

Ce taux très élevé pourraient s'expliquer de la manière suivante :

  • En cas de déclenchement systématique, certaines césariennes seront dues à des échecs de déclenchement. On sait par exemple qu'un déclenchement avec un mauvais score de Bishop (le col est-il raccourci, centré, ouvert ?) a plus de chances de se finir en césarienne qu'un déclenchement avec un col favorable. Une politique de déclenchement systématique, indépendamment de l'état du col, augmente nécessairement le taux de césariennes.
  • En cas de surveillance, certaines césariennes seront décidées en urgence au vu d'un mauvais monitoring (monitoring trop mauvais pour que le bébé supporte un déclenchement). 
    Cependant, certaines de ces études ont été réalisées avec une surveillance un peu plus légère que ce qui est habituellement proposé en France, puisqu'il n'y avait de contrôles qu'une à deux fois par semaine à partir de 41SA, contre 3 à 4 en France. On peut donc se demander dans quelle mesure la stratégie de surveillance française permettrait d'éviter une partie de ces césariennes.

Cependant, ces études semblent entachées de nombreux biais et on peut penser qu'en réalité, le taux de césarienne est en réalité supérieur dans le bras "déclenchement" que dans le bras "surveillance" [10].

Par ailleurs, une recherche sur les données disponibles dans Audipog montrent que le taux de césarienne en cours de travail, pour un accouchement déclenché à 41SA, est quasiment le double du taux pour un accouchement spontané :
 

Taux de Césarienne : Primipares Multipares Général
Travail Spontané 
entre 41SA+0 et 41SA+6
13,22% 3,39% 9.02%
Déclenchement 
entre 41SA+0 et 41SA+6
25,69% 6,69% 18.70%

Données 1999-2005, présentation sommet, hors grossesses géméllaires et antécédents de césarienne.

En incluant dans la recherche les données des 42eme semaines et après, on peut établir une comparaison - bien qu'imparfaite car elle ne tient aucun compte de la notion de déclenchement pour raison médicale - entre le déclenchement à 41SA et l'attente jusqu'à 42SA : 
 

    Taux de 
Césarienne :
Atttente Travail spontané à 41 SA
Travail spontané à 42+ SA
Déclenchement à 42+ SA
10,55%
Déclenchement Déclenchement à 41 SA 18,70%

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Dépassement de terme et utérus cicatriciel

Le fait d'avoir eu une césarienne antérieure rajoute la question de la solidité de la cicatrice utérine. [11] indique un taux de rupture utérine identique avant ou après 40SA. Les directives de la SOGC paragraphe 17) indiquent que « L'accouchement après terme ne constitue pas une contre-indication au recours à un essai de travail chez une femme ayant déjà subi une césarienne. »

Cependant, on note un risque de décès in-utero plus important chez les femmes césarisées (1,1 pour 1000 à 39 semaines de gestation contre 0,5 pour mille chez les femmes non césarisées [12])

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De l’importance du consentement éclairé

Aucune des deux stratégies, attente ou déclenchement systématique, n'est indiscutablement meilleure que l'autre. Toutes deux ont leurs avantages et leurs inconvénients :

En faveur du déclenchement systématique :

  • Attendre et surveiller expose au risque de devoir pratiquer une césarienne en urgence pour mauvais monitoring, alors qu'un déclenchement d'accouchement systématique aurait peut-être permis d'accoucher par voie basse (mais peut-être serait-il possible d'améliorer la surveillance ?).
  • Un déclenchement systématique à 41SA permet une réduction du risque de mortalité périnatale (mais ce risque reste faible dans l'absolu).
  • Au-delà de 42 SA, il semble actuellement plus prudent de proposer un déclenchement aux femmes.

En faveur de la surveillance systématique :

  • Le risque de morbidité périnatale est le plus faible de 39 SA à 41SA + 6 et n'augmente légèrement qu'après 42 SA.
  • Un déclenchement s'accompagne d'un certain nombre de désagréments (accouchement fortement médicalisé, risques dus au déclenchement lui-même par exemple hémorragie du post-partum)
  • Un déclenchement sur un col défavorable, même avec une maturation du col aux prostaglandines, expose à un risque accru de césarienne. Un déclenchement sur col très favorable a de meilleures chances de fonctionner.

A cela s'ajoutent les souhaits propres à chaque mère : certaines mères trouveront les monitorings de contrôle trop pénibles (éloignement de la maternité par exemple) et accueilleront positivement une proposition de déclenchement, tandis que d'autres souhaiteront autant que possible « laisser le temps à leur bébé ».

Ce qui convient à une mère ne conviendra pas forcément à une autre. Une mère vivant une césarienne après échec de déclenchement pourra ressentir des regrets et des interrogations, « et si j'avais attendu que se serait il passé ? ». A l'inverse, une mère vivant une césarienne après surveillance pourra se demander, « et si on m'avait déclenchée plus tôt ? ». L'accompagnement humain et l'explication des choix et de leurs conséquences sont donc plus que jamais nécessaires en cas de dépassement de terme.

En conclusion, cette 41ème semaine de grossesse devrait être gérée avec souplesse, en évitant les généralisations, en écoutant les désirs des mères et en les informant des choix possibles et de leurs conséquences.

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